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CHRONIQUE : Les lundis de Kamel Bencheikh - PARIS - 2025-07-21 

21 juillet 2025
CHRONIQUE : Les lundis de Kamel Bencheikh - PARIS - 2025-07-21
France-Algérie, le double aveuglement de Xavier Driencourt
Il est des ouvrages qui ne vous laissent pas indemne. Ils éclairent, ils dérangent, ils réveillent. Celui de Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France à Alger, appartient à cette catégorie précieuse où le courage intellectuel et la connaissance intime du terrain se conjuguent pour livrer un diagnostic aussi rigoureux que salutaire.
À rebours de la langue diplomatique anesthésiante et des euphémismes convenus, Driencourt choisit la clarté. Non pour provoquer, mais pour dénouer les nœuds d’une relation franco-algérienne minée depuis l’indépendance par les non-dits, les blessures mal cicatrisées et les postures mensongères. Deux fois en poste en Algérie, il ne parle pas depuis une tour d’ivoire : il a vu, entendu, ressenti. Ce qu’il écrit, il l’a éprouvé dans sa chair, dans ses silences, dans les couloirs d’ambassade où tout se joue parfois en demi-mots.
Ce n’est pas un brûlot, c’est une mise à nu. Une mise à nu d’un lien asphyxié par les culpabilités à sens unique, les injonctions mémorielles unilatérales, et une France qui, trop souvent, accepte sans broncher d’être humiliée par ceux-là mêmes qui réclament son soutien tout en vomissant son histoire. Driencourt démonte ces mécanismes avec méthode, à la manière d’un horloger désireux de réparer un instrument faussé par des décennies d’hypocrisie.
Mais son propos ne s’arrête pas au constat. Il invite à un sursaut. À rompre avec les infantilismes diplomatiques et les chantages symboliques pour redéfinir une relation adulte, fondée sur la clarté des principes : respect mutuel, souveraineté pleine et entière, réciprocité des engagements. Ce qu’il dessine, c’est une voie de sortie, une chance d’assainir un dialogue devenu toxique à force de compromis sans honneur.
Dans une époque où nombre de responsables plient sous le poids des récits victimairement instrumentalisés, l’auteur choisit de ne pas se taire. Il parle pour que la France se tienne debout, digne, lucide, sans arrogance mais sans reniement. Ce faisant, il rappelle une évidence trop souvent oubliée : représenter un pays, c’est le servir, non s’en excuser.
Ce livre n’est pas confortable. Il bouscule, il interroge, il dérange les tièdes. Mais c’est précisément pour cela qu’il est nécessaire. Car il redonne sens à une parole publique trop longtemps vidée de sa substance, et il offre une boussole à ceux qui, en politique étrangère, veulent cesser de naviguer à vue. Il fallait du cran pour l’écrire. Il en faudra autant pour l’entendre.
Kamel Bencheikh
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