À l'occasion du 70e anniversaire de la fondation du Front de Libération Nationale (FLN) et de la commémoration de
son premier congrès tenu en août 1956, les enfants et neveux de Mohamed Boudiaf, l'une des figures
emblématiques du mouvement, ont souhaité rappeler son œuvre avec ses premiers compagnons qui lui ont fait
confiance jusqu'à leur dernier souffle. Mohamed Boudiaf les a rejoints en juin 1992, soit quelques jours avant le
cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie.
Explication de la Rupture du FLN avec ses Prédécesseurs
Pour nos jeunes et moins jeunes, nous tenterons d’expliquer en profondeur comment et en quoi le FLN représente
une rupture définitive avec l'Étoile Nord-Africaine, le PPA, le MTLD, l'OS et le CRUA. L’objectif de cette analyse est
d’éclairer la compréhension de la lettre de Larbi Ben M’hidi d’avril 1956, dans laquelle il remet en cause l’autorité
exercée par Abane Ramdane sur le FLN à partir de mai 1955.
Le CRUA et la Réunion des « 22 ».
À la fin du mois de mars 1954, le Comité Révolutionnaire d'Unité et d'Action (CRUA) fut constitué avec la participation
de deux activistes et deux centralistes, dans le but de mettre un terme au conflit entre centralistes et messalistes.
Toutefois, c’est lors de la réunion des « 22 » en juin 1954 que les événements prirent un tournant décisif. En effet, le
20 juillet, le CRUA perdit sa raison d'être à la suite de la scission officialisée lors du congrès messaliste d’Hornu. Ce
qui rend cette réunion des « 22 » si marquante, c'est l'innovation introduite par Boudiaf : Avec des membres tous
issus de l'Organisation Spéciale (OS), il organisa pour la première fois une élection à bulletin secret pour désigner le
premier responsable du futur FLN. Cette initiative constituait une rupture totale avec le passé et marquait un moment
crucial dans l'histoire de la lutte pour l'indépendance de l’Algérie.
La Volonté de Rupture de Boudiaf.
Ce rappel historique met en lumière la volonté profonde de Boudiaf de rompre radicalement avec le passé. En
organisant ce scrutin, Boudiaf signifiait clairement à ses subordonnés qu'il ne se considérait plus comme le chef
incontesté de l'OS et qu'ils n'étaient plus tenus de lui obéir aveuglément, comme c'était le cas auparavant. Cette
démarche illustre de manière frappante que l'héritage de l'Étoile Nord-Africaine, du PPA, du MTLD (tant centralistes
que messalistes) et de l’OS appartient désormais au passé. La logique de Boudiaf était limpide : il cherchait à effacer
toutes les empreintes du passé, y compris son propre titre de leader incontesté. Cette initiative marquait une étape
cruciale vers l'instauration d'une nouvelle ère où les anciennes structures et allégeances n'étaient plus déterminantes
dans les relations de pouvoir.
La Rupture avec Messali Hadj.
La rupture de Boudiaf avec l'autorité, en particulier avec Messali, se confirma par les ACTES. Au début d'octobre
1954, il refusa la proposition de Messali de prendre la direction du MTLD. Cette rupture nette peut être comparée à
une coupure du cordon ombilical, car Boudiaf avait déjà pris ses distances avec l'Étoile Nord-Africaine, le PPA, le
MTLD et même le CRUA, des prolongements naturels du messalisme, bien avant Abane et ses compagnons du
comité central. Il avait choisi de s'engager totalement dans l'organisation du FLN pour mener l’insurrection qu´aucun
homme politique du comité central n'osait entreprendre.
Révélations de Moulay Merbah.
En complément de ces informations, Moulay Merbah, bras droit de Messali, a révélé un épisode totalement
méconnu, jamais évoqué par les historiens. Lors d'une interview accordée en 1990 à Haya Djelloul, il rappelle que
Boudiaf entretenait des liens avec Krim Belkacem. Lors d'une rencontre avec ce dernier, fin septembre début
octobre 1954, Moulay Merbah, au nom de Messali, proposa à Krim Belkacem de transmettre à Boudiaf une offre
pour rejoindre le MTLD, en lui offrant même la direction de l'organisation, reconnaissant ainsi son expérience.
Cependant, quelque temps après, Krim Belkacem déclare que chacun devait rester dans son propre parti, mettant
fin à toute possibilité d’alliance. Cette anecdote, qui illustre les complexités et les luttes de pouvoir au sein du
mouvement indépendantiste algérien, est détaillée à la minute 54 de la vidéo suivante : vidéo YouTube. https://
www.youtube.com/watch?v=tGijvNqj9w8&t=2801s.
Abane et la Réappropriation de la Rupture.
Cette rupture totale opérée par le FLN est exprimée dans une lettre adressée par l'homme de la Soummam aux
premiers promoteurs du FLN. Dans un document daté du 15 mars 1956, Abane tente d’expliquer les fondements du
FLN à ses fondateurs Boudiaf et Ben M’hidi qui, entre 1950 et 1954, ont assisté aux bouleversements subis par le
PPA/MTLD et aux divisions vécues en son sein. Pendant toute cette période, Abane était en détention en France,
totalement coupé de cette réalité. Il écrit notamment : « Pour vous, le FLN est la continuation du PPA-MTLD-CRUA…
pour nous, le FLN est quelque chose de nouveau, ce n'est ni le PPA, ni le MTLD, ni même le CRUA » (Le Courrier
Alger-Le Caire de Belhocine Mabrouk, édition Casbah, page 161).
Suite en partie 2 ...
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