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Chronique : Les Lundis de Kamel Bencheikh - Paris- 2025-11-03 

3 novembre 2025

Québec et laïcité

C’est une étape. Une avancée. Un jalon posé dans un combat long, difficile, et souvent piégé
par les procès d’intention. Rien n’est jamais acquis, surtout lorsqu’il s’agit de la laïcité, c’est-
à-dire du droit fondamental de chaque enfant d’entrer dans la connaissance sans que le sacré
ne vienne lui dicter ce qu’il doit penser, rêver, croire ou être.
Le Québec, dans cette décision, affirme une chose essentielle : l’école n’est pas un lieu
d’appartenance, mais un lieu d’émancipation. Elle n’est pas un prolongement du foyer, ni de
la mosquée, de l’église, du temple ou de la synagogue. Elle est un espace neutre où l’enfant
rencontre l’universel. L’universel n’efface pas les identités — il les rend possibles, libres,
respirables.
Ce qui se joue ici est simple : empêcher que les idéologies qui instrumentalisent le religieux
ne viennent coloniser les esprits. Il ne s’agit pas de chasser Dieu des consciences, mais
d’empêcher que des clercs modernes, voilés ou barbus, ne s’érigent en contre-pouvoirs dans la
sphère scolaire. Il s’agit de protéger l’élève, non de réprimander l’enseignant. De protéger le
devenir, non la croyance.
Beaucoup crieront à l’intolérance, à la discrimination, à une laïcité dite « punitive ». Ils feront
semblant de ne pas comprendre que la neutralité du maître est la condition première de la
liberté de l’élève. Ils feront semblant de croire qu’un signe n’est qu’un signe, alors qu’il est
souvent un message, un programme, une hiérarchie affichée entre le sacré et le profane.
Le Québec n’a pas dit son dernier mot. Il lui faudra aller plus loin, clarifier, consolider, tenir
bon. Car les forces qui cherchent à affaiblir la laïcité ne désarment jamais. Elles avancent
masquées, invoquant les droits individuels pour mieux miner le bien commun. Elles
travaillent par infiltration, par accoutumance, par concessions successives. Jusqu’à ce que le
principe cède.
Nous n’en sommes pas là. Pas encore. Mais l’histoire nous a appris que renoncer une fois,
même un peu, c’est renoncer toujours.
Alors oui, il faut saluer ce pas. Et dans le même souffle, rappeler qu’il ne suffira pas. La
laïcité n’est pas un règlement administratif. C’est un pilier civilisationnel. Sans elle, l’école

devient un marché des croyances. Avec elle, elle reste le premier territoire de la liberté
humaine.
Tenir le cap. Ne pas reculer. Ne pas s’excuser. Il ne s’agit pas de brimer qui que ce soit. Il
s’agit de protéger la possibilité même d’une société où personne ne domine l’autre au nom du
ciel.
Et cela, au Québec comme ailleurs, ne se négocie pas.
Kamel Bencheikh

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