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Chronique : Les Lundis de Kamel Bencheikh - Paris- 2025-12-01 

2 décembre 2025

Le Québec a besoin d’un État laïque, pas de sermons 

 

Que des représentants d’une institution religieuse se permettent d’intervenir publiquement pour influencer les décisions de responsables élus en dit long sur l’urgence d’un véritable cadre laïque au Québec. Cette réaction des évêques n’est pas seulement inappropriée : elle démontre précisément pourquoi une séparation nette entre convictions religieuses et décisions publiques doit être garantie par la loi, comme la France l’a fait en 1905.

D’abord, il est pour le moins paradoxal que l’Église catholique — une institution dont l’autorité sociale n’a cessé de décliner depuis des décennies — revendique aujourd’hui un rôle d’arbitre des libertés publiques. Les droits et libertés fondamentaux ne sont pas menacés par la neutralité de l’État : au contraire, ils en dépendent. La laïcité ne restreint aucune croyance ; elle empêche seulement une religion de peser sur la gouvernance d’un territoire qui appartient à tous.

Ensuite, les évêques semblent méconnaître l’évolution profonde du paysage religieux québécois. En s’opposant à un projet de loi qui vise à clarifier la neutralité de l’État, ils ne protègent pas les croyants : ils affaiblissent le seul cadre capable d’assurer un traitement égal de toutes les confessions. Et ce faisant, ils ne voient même pas qu’ils laissent le champ libre à des groupes beaucoup plus offensifs, notamment ceux issus d’un islam politique déterminé à étendre son influence dans l’espace public. Ce n’est pas une vue théorique : c’est un constat fait sur plusieurs territoires occidentaux où le manque de clarté laïque a été exploité comme une brèche.

Enfin, il faut rappeler un principe simple : dans une société démocratique, c’est au peuple, par ses représentants élus, de déterminer le cadre juridique commun. Ni les évêques, ni aucune autre autorité religieuse n’ont vocation à dicter le contenu d’une loi. Qu’ils le fassent, et qu’ils le fassent avec une telle assurance, confirme précisément que la neutralité institutionnelle doit être renforcée, non pas diluée.

La laïcité ne menace aucune liberté individuelle : elle garantit que toutes puissent coexister sans empiéter les unes sur les autres. Elle protège les croyants comme les non-croyants. Elle empêche l’État de favoriser une confession au détriment des autres. Elle assure que les lois du pays ne soient jamais soumises aux dogmes d’un groupe, quel qu’il soit.

En réalité, ce communiqué illustre la nécessité d’un cadre robuste : un État pleinement laïque, lucide, et fidèle à la seule autorité légitime en démocratie — celle de ses citoyens.

Kamel Bencheikh 

 

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